Reprendre la terre aux machines

“Reprendre la terre aux machines est le manifeste de l’Atelier paysan pour une autonomie paysanne et alimentaire. C’est à l’occasion d’une rencontre organisée par la Librairie-Tartinerie de Sarrant (Gers) en fin d’année 2021 que nous avons eu l’opportunité d’enregistrer les réflexions de Jean-Claude Balbot et Emmanuel Aze à propos du livre-manifeste édité aux éditions du Seuil, collection Anthropocène).

Il nous a semblé fondamental de partager les critiques exprimées du modèle agro-industriel dans lequel nous vivons aujourd’hui mais encore plus de diffuser les utopies contenus dans les solutions qui sont proposés dans ce manifeste.

Vous pouvez écouter cette conférence en deux parties :

PREMIÈRE PARTIE : Présentation des intervenants, de l’atelier paysan, la force du collectif, l’impuissance, l’ignorance des liens entre agriculture et alimentation, aide alimentaire et industrie.

Quelques citations issus de cette première partie :

  • “Collectivement nous sommes des gens très puissants, et comme nous sommes devant des difficultés énormes dans le domaine de l’agriculture et l’alimentation (…) nous sommes plus nombreux que les adversaires que nous avons à affronter. Il n’y a aucune raison pour que nous ne soyons pas demain ceux qui nourrissons les français. Nous sommes les seuls capables de vous nourrir, la terre doit nous revenir.”Jean-Claude Balbot
  • «On forme un nombre conséquent de paysans chaque année, mais pendant qu’on en forme mille paysans, il en disparaît 10 à 15 milles tous les ans ».Emmanuel Aze
  • « Terre de liens, toute pertinente que soit sa démarche n’a réussi en vingt ans à arracher à l’agriculture industrielle, que l’équivalent de ce que celle-ci a artificialisé en 1 semaine » Emmanuel Aze.
  • « l’agriculture biologique ne cesse de conquérir de nouvelles surfaces, et c’est heureux (…), et pourtant l’usage de pesticides ne cesse d’augmenter ». Emmanuel Aze
  • « Dans aucune des organisations agricoles que j’ai fréquentées, il n’y avait jamais mis sur la table de rapport entre agriculture et alimentation ». Jean-Claude Balbot.
  • « L’aide alimentaire, en croissance, est le signe d’un échec de l’agriculture »Jean-Claude Balbot.
  • « Plus vous industrialisez plus vous détruisez de l’emploi, plus vous détruisez de l’emploi, plus vous détruisez des revenus, plus vous creusez la pauvreté et plus vous avez besoin d’aide alimentaire » Jean-Claude Barbot.« En 2020 octobre, selon une étude du secours populaire, 26 millions de français ne mangent pas ce qu’elles désirent. Le modèle industriel ne nous propose pas de la nourriture mais de l’alimentation, ce qui n’est pas la même chose » Jean-Claude Balbot.
  • « Ces deux critiques, l’agriculture industrielle ne nourrit pas les français et la machine participe inexorablement à la disparition de la paysannerie, ce sont les deux racines principales de ce livre. »Jean-Claude Barbot.

Diffusée le 5 mars 2022 à 10h ET LE 11 mars 2022 à 12h00 sur Radio FMR.

DEUXIEME PARTIE

  • «Le positionnement des structures paysannes se rapprochaient beaucoup des écologistes, centrées sur les impacts et très peu sur les racines du problème. Dans cette culture centrée sur les impacts, lorsque l’on a pas cette explication, sur les tenants, on en arrive vite à imputer la responsabilité des paysans la faute du recours au pesticides.» Emmanuel Aze.
  • «Le recours au pesticide est vécu souvent comme une arme d’auto-défense par le paysan dans une guerre économique systématique et généralisée. »
  • «On avait tendance à l’époque à considérer qu être sur des agricultures vertueuses était l’expression d’une forme de supériorité morale et donc transformer l’agriculture devait passer par la responsabilisation des autres paysans que nous et des consommateurs, une partie d’entre eux nourrissant par leur mode de consommation le succès de l’agriculture industrielle. On était relativement aveugles aux effets systémiques qui font que coexistent des agricultures qui cherchent à relever de l’intérêt général et d’autres qui sont soumises aux logiques de compétition et aux logiques de marché ».Emmanuel Aze.
  • «L’industrie de l’agroalimentaire a besoin de la pauvreté au niveau économique mais aussi au niveau politique. le promoteur de cette usine des milles vaches se vantait d’avoir créé un modèle économique, couplant la production laitière à la méthanisation, de produire un lait de vaches à 18 cts le litre au lieu des 36 cts actuels.  C’était un motif de fierté pour ce monsieur Ramery. Il se targuait de faire du lait un sous-produit de la production énergétique et il allait mettre en danger considérablement le bassin laitier dans lequel il était inscrit puisque c’est le moins offrant qui fournit aux industries de l’aval les arguments pour comprimer les prix d’achat des autres.».Emmanuel Aze.
  • « L’agriculture industrielle a cette force de produire des prix artificiellement bas en socialisant une partie des coûts en ayant recours à diverses technologies qui permettent de maximiser les rendements mais en socialisant les conséquences environnementales (dépollution de l’eau., traitement du chômage, coûts sur la santé liés à l’utilisation massive de pesticides) .Emmanuel Aze.
  • Sans une compression continue de la part du budget alimentaire des ménages, le système capitaliste libéral aurait bien du mal par rapport à son biais interne qui fait qu’il produit beaucoup plus avec moins de travail rémunéré de moins en moins ; »Emmanuel Aze.
  • « Si un pouvoir qui mène ces politiques (néolibérales) et qui parallèlement n’assure pas, d’une manière ou une autre, une assiette dûment garnie à la population, généralement ça se finit très mal pour lui » Emmanuel Aze.
  • « Il faut que l’on se sorte de ce complexe agro-industriel qui capture la démocratie (…) ».Jean-Claude Balbot.
  • « On est face à un phénomène structurel que l’on ne peut pas affronter par une offre supplémentaire sur un marché défini par d’autres, avec un label supplémentaire, et quand le label est usé, vous en crééez un autre…. » Jean-Claude Balbot.
  • « Il y a 26 millions de français qui se déclarent insatisfaits de leur alimentation, s’il n’y a pas là des alliés à trouver pour des paysans comme nous, je ne sais pas où ils sont ailleurs. Jean-Claude Balbot.
  • « Nous avons en face de nous une proposition de la start-up nation et nous, nous devons dire, nous ce que nous voulons c’est une société paysanne, une société où nous allons pouvoir commencer à rediscuter notre nourriture de manière démocratique, dire ce que nous voulons manger, comment nous voulons la produire, voir si les coûts sont supportables pour l’environnement. » Jean-Claude Balbot.
  • « Il n’y a personne qui se lève le matin pour donner des pesticides à son gamin, il n’y a personne qui se lève le matin pour donner trop de gras, trop de sucre, trop de sel à son gamin. Pourtant nous le faisons massivement.70 % d’entre nous ne se nourrissent que de nourritures industrielles. Et 95 % de la nourriture fournie en France est de la nourriture industrielle qui est susceptible de comporter trop de gras, trop de sucre, plus des pesticides plus des perturbateurs endocriniens…etc. Personne n’ignore aujourd’hui en France qu’on prend des risques en se nourrissant et en nourrissant la génération suivante. »Jean-Claude Balbot
  • « Il y a bien cette certitude que nous devons avoir que si nous laissons le choix à l’ensemble de la population de choisir sa nourriture, elle se rapproche de ce que nous mangeons tous là où nous sommes, c’est-à-dire sans pesticides, sans engrais, sans produits de synthèse (…etc). » Jean-Claude Balbot.
  • « Quand on laisse la possibilité à la population de se nourrir comme ils le souhaitent, il faudra que l’on se dise qu’avec 400 000 paysans ce sera impossible de répondre à cette demande. (…) vous en nourrirez à peine 20 %, il est indispensable d’avoir les pesticides et des machines pour « alimenter » les français, comme on alimente le bétail.. »Jean-Claude Balbot.
  • « Il faudrait 1,5 million de paysans pour faire du bio. C’est ce qu’on a vécu nous…et c’est le bagne.Ils vont faire 70 heures par semaine à faire du produit bio à la main, de la transformation, de la vente directe et ils vont être payés à peine au SMIC. Moi, je pense que ce n’est pas viable. ».Jean-Claude Balbot.
  • « Il y a une vague de gens, depuis une dizaine d’années, qui désertent leur précédent métier et qui sont en train de lâcher, les maraîchers ont le dos cassés, ils se rendent compte que c’est encore pire que l’élevage et surtout ils se rendent compte qu’ils sont tout seul, chacun dans leur coin à produire à fond. Et maintenant, ils se rendent compte que le marché est saturé par le modèle industriel »Jean-Claude Balbot.
  • « La proposition politique c’est de dire qu’il nous faut une société paysanne, dans laquelle 10 % de la population va produire de l’alimentation, sans doute pour elle, et aussi pour les autres. C’est un tout autre modèle politique et c’est celui-là qu’il faudra opposer à la société sans paysan de la start-up nation , c’est celui-là le seul qui est économiquement viable et qui rassure sur la santé de ceux qui vont produire l’alimentation ».Jean-Claude Balbot.
  • «On rêve certainement mais il y a des politiques publiques aujourd’hui qui sont allés dans ce sens là. Un exemple : L’Andhra Pradesh, une république indienne de 55 millions d’habitants qui a décidé que la politique agricole de l’État se ferait sans pesticide et avec un minimum de machines et qui a calculé qu’il faudrait plus de 10 % de la population pour faire cela. Ayant encore 5 % de paysans, ils n’ont qu’à doubler. » Jean-Claude Balbot.